Neuf mois passés à vivre ensemble, cohabiter, tenter de se faire sa place, discuter du bout des doigts, se réveiller l'un l'autre, s'aimer déjà...
J'attends la rencontre, Pierre mon p'tit Pitou doit venir au monde le 5 juillet et j'ai décidé de refaire toutes les tapisseries de la maison pour l'accueillir.
Le 30 juin petit contrôle de routine, j'aimerais accoucher dans l'eau, sans péridurale comme une warrior, on vérifie que tout va bien... J'entends son coeur comme un truc qui galope au fond de la mer, c'est rapide et rassurant, j'adore ce bruit. On rigole avec mon mari parce-qu'il paraît que j'ai des mini-contractions - et moi je ne sens rien !
C'est lors de l'une de ces contractions-fantômes que les battements de son coeur se font très étranges. La sage-femme me colle un masque à oxygène sur le nez en marmonnant "Et ben, qu'est-ce-qu'il lui arrive ?".
Il lui arrive, au Pierre-Pitou, qu'il ne supporte pas les contractions, son coeur flanche et remonte difficilement. Je dois rester à la clinique, sous monitoring.
Un week-end à écouter le galop de ton coeur, mon précieux, mon si fragile.
Lundi matin, 2 juillet, il fait encore nuit et je n'ai pas dormi. Une sage-femme vient me chercher pour essayer de déclencher l'accouchement. Elle a à peine le temps de me faire mal que ton coeur flaiblit à nouveau. J'ai peur et envie de pleurer, je voudrais que tu sois déjà là, hors de danger. Mon ventre devient une barrière à ta santé.
On me prépare en urgence, mon mari tendre accourt et m'embrasse, Pierre va naître par césarienne.
J'essaie de supporter stoïquement la douleur, l'angoisse, la nausée, j'attends que ça passe, j'attends de toutes mes forces je ne sais même plus quoi. On a permis à mon mari de rester près de moi et je lui dis que je vais vomir dans mon masque, que je veux sortir, qu'on arrête tout.
... Deux mains tendent au-dessus du champ opératoire un magnifique bébé qui ne pleure pas, tout lisse, tout beau. Les larmes coulent sur mon visage. Instant en suspend, le temps se fige, je regarde la plus belle chose qui m'ait été donné de voir et mon coeur semble se fendre.
Je ne peux pas le prendre dans mes bras, ils l'emportent déjà, et moi je reste à pleurer au son de l'agrafeuse, j'ai son visage devant les yeux partout où je regarde. Pierre-Pitou, petit garçon exceptionnellement exceptionnel, est né à 11h26.
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