avecune énorme pensée à mon loulou
car c'est pas facile pour eux non plus
"Je me dois de témoigner ici d’une épreuve que, chaque année, des
milliers d’hommes subissent dans le silence le plus absolu : le
spermogramme.
Ma moitié et moi voulons un enfant (je sais, au vu du coût
d’un enfant et des ennuis que cela rapporte, pourquoi se lancer dans
cette aventure ... sans compter que la fin du monde est proche ...
l’instinct de reproduction, l’envie de pouvoir se défouler sur quelque
chose de vivant ... je ne sais). Pour ce, nous dûmes subir une série de
tests dont celui sus-cité. Le spécialiste vous prescrit ça comme des
pastilles pour la gorge ...
Donc de retour dans ma chaumière, je prends rendez-vous
quelques jours plus tard, par téléphone, sous l’œil goguenard de mon
épouse. A s’moquerait presque, l’ignoble !
Et je m’entends demander à une jeune fille un rendez-vous ; le pire,
c’est qu’elle sait ce que vous allez faire ... Pour vous enfoncer
encore plus profondément dans l’humiliation, elle vous fixe un
rendez-vous à 7h30 du matin ! Je ne pus réprimer ma surprise : se
pignoler passe encore, mais à une heure où mon cortex prend à peine
conscience de la petitesse de mon existence ... merde, ils veulent que
je me flingue. Patiente (ou désabusée), elle vous explique que cet
horaire est rendu obligatoire par les analyses biologiques. Bon,
rendez-vous sur le pré, à l’aube, pour un duel avec mon amour propre
...
Le jour fatidique (ayant pris une demie-journée de congé
...allez expliquer, vous, pourquoi vous risquez d’arriver en retard),
dans le petit jour, vous quittez votre domicile, alors que dans vos
oreilles résonne encore le vachard « je suis avec toi, courage ! » de
votre partenaire sexuelle officielle.
Arrivé trop tôt (j’avoue, je suis un « arriveur » précoce),
j’attends dans la voiture et, finalement, je me décide à y aller.
Pénétrant ( ! ) dans le département AMP (assistance médicale à la
procréation), vous découvrez 2 autres mâles essayant d’avoir l’air à
l’aise en lisant un numéro de l’Express de trois ans d’âge.
La charmante jeune fille vous invite à la suivre (là, les
fantasmes à 1 euro dignes du plus débile des films X vous sautent sur
la libido : « Va-t-elle effectuer le prélèvement ? »... A cet instant,
vous vous dégoûtez profondément...). Elle vous guide vers un couloir où 3 portes ouvrent sur des
espaces réservés au frotte-frotte médical et vous déclare de but en
blanc (sans même avoir été présentée) : « vous décalotter et vous
nettoyez le gland avec cette compresse ... ». Waouh ! T’es une
chaudasse, toi ! Tu ne veux même pas boire un verre avant ? ...
Vous vous sentez de plus en plus mal ; avoir, ne serait-ce qu’une demie
érection, vous paraît être complètement chimérique... Et, stupeur, je
regarde les cabines, elles portent tous un nom : Cupidon, Zeus et
Apollon. Vous voilà plongez dans Magnum ! Et je peux vous jurer que
penser à Tom Selleck, et sa grosse moustache, n’est pas la meilleure
méthode pour remplir un corps caverneux ... Pourquoi de tels noms ?
Laure, Tabatha ou Ovidie auraient été plus clairs, plus « stimulants »
; les dieux musclés et chevelus ne m’inspirent pas des masses, sans
compter que les angelots me mettent rarement (voir, jamais...) en état
de rut.
La secrétaire (infirmière ?) médicale me choisit la cabine
Apollon (et oui ...) et me dit « surtout, indiquez bien que la cabine
est libre lorsque ce sera terminé », en m’indiquant un panonceau «
libre/occupé » pendant sur l’huis.
Me voilà seul avec ma fiole dans une pièce aussi grande
qu’un cagibi. Je m’assieds sur la chaise en me disant : « vas falloir
assurer... », lorsque mon regard porte sur une revue que la blouse
blanche avait omis de me présenter. Revue adéquate, au titre évocateur
: « Voisines ». Par dépit, vous feuilletez : « pas froid aux yeux (ni
ailleurs) les jeunes filles », pensez-vous alors qu’une lueur lubrique
commence à poindre au fond de vos pupilles.
Au
bout de quelques minutes de lecture de ce catalogue de dextérité
épilatoire et d’ouverture d’esprit entre jeunes filles, une question
atroce vous traverse l’esprit : combien de mecs se sont masturbés en
regardant ce bouquin ?... Aussi efficace qu’un seau de glaçons ...
La panique me gagnant, je commence à chercher une aide
quelconque ; je fouille la pièce du regard. Une affichette sur la porte
attira mon attention, elle indiquait diverses précautions à prendre
ainsi que des conseils ; et tout en bas, je pus lire : « le sperme
devra être obtenu par masturbation ». Ils croient quoi ! Qu’on peut
obtenir une éjaculation par habitude, par erreur (encore que...), par
pitié, par dépit, par désespoir, par amitié, par hasard, par la force !
! !
Au bord du précipice, je ne peux plus reculer et j’attaque
le travail manuel ...Le bon côté de la chose est que l’on prend un coup
de jeune avec de telle pratique ...On redevient un peu l’adolescent
libidineux que l’on était ... Et on fantasme...On pense à sa femme, aux
filles sur papier glacé, aux amies de sa femme, aux collègues (avec un
« E ») de travail, aux actrices à la mode, à tout ce qui peut vous
faire finir avant de choper une tendinite, bordel !
Vous dites : « il fait la fine bouche. Il lui reste le
délicieux moment de l’orgasme... ». Et bien, essayez d’avoir un orgasme
en étant obligé de vous concentrer pour éjaculer dans une fiole !
Allez-y ! ’ferez moins l’malin ! Pas question de tout mettre à côté, y
a pas de deuxième chance, ce n ’est pas le tac o tac !
Là dessus, viennent s’ajouter de stupides considérations
machistes du type : « mon Dieu (qui, je le rappelle, condamne la
masturbation), faîtes qu’il y en ait assez, que je ne passe pas pour un
nul ! » (précisons qu’on vous recommande 3 jours d’abstinence...on ne
sait jamais). Je suis un homme, que voulez-vous...
Une fois la liqueur séminale dans la fiole, il ne me restait
plus qu’à reprendre mes esprits, attendre que mon visage perde cette
jolie couleur rouge, signe d’efforts physiques intenses et honteux. Une
fois à l’air libre, vous foncez à l’accueil, le regard bas, évitant de
croiser les yeux des femmes assises dans la salle d’attente (ELLES
SAVENT ! ! !), régler les dernières formalités et vous vous tirez le
plus vite possible ! !
Je n’ai toujours pas retrouvé mon amour propre ! ! ! "